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Pour aller plus loin sur le TSA

AFICV – Chloé, pourriez-vous, pour commencer, faire un rappel de ce que recouvre le trouble du spectre autistique ?

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Chloé : Il s’agit d’un trouble du neurodéveloppement (TND), ce qui veut dire que l'on « NAIT AVEC » et il existe des prédispositions génétiques ; quand on découvre un TND dans une famille, il est toujours utile d'avoir en tête qu'il y a une forte probabilité qu'il y ait d'autres personnes avec un TND.

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Il y a 2 grands critères principaux, dans le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders)[1], qui nous intéressent à savoir : le déficit de la communication et des interactions sociales d’une part, et le caractère restreint et stéréotypé des comportements, des intérêts ou des activités, avec des particularités sensorielles associées.

 

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AFICV : Le premier point de ce que le DSM-5 appelle « la dyade autistique » est défini par des déficits persistants de la communication et des interactions sociales. Vous pouvez nous expliquer comment cela se manifeste ?

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Chloé : Les déficits de la réciprocité sociale et émotionnelle vont se manifester au travers de comment la personne communique ? Et qu'est-ce qu’elle communique aux autres ?

Par exemple, cela peut être une personne (enfant ou adulte) qui ne manifeste pas beaucoup d'intérêt à  raconter ses journées.

Il va s’agir également des capacités de la personne à savoir comment réagir par rapport aux émotions des autres, avoir des réactions qui sont socialement attendues, des capacités d'empathie.

Les personnes ayant un TSA, contrairement à ce que l'on croit, ont de l'empathie, mais plutôt de l'empathie émotionnelle ; c'est-à-dire que si elles sont confrontées à un proche qui se met à pleurer, elles vont être très mal, mais ne vont pas savoir comment réagir ; leurs difficultés se trouvent plutôt au niveau de l’empathie cognitive. De nouveau si elles n'ont pas vécu exactement  la situation de la personne qui leur parle, elles vont éprouver de la difficulté à s'identifier, et donc, parfois, à avoir les réactions socialement attendues.

La compréhension des situations sociales, des pensées, des sentiments des autres personnes est une autre particularité.

Si elles n'ont pas vécu les situations, ça peut être très compliqué de comprendre les intentions des gens quand celles-ci ne sont pas explicites,  de respecter les règles de conversation, comme le fait d'avoir un tour de rôle,  de ne pas couper la parole, de savoir comment gérer les interactions formelles par rapport à des conversations informelles. Généralement, le formel est plus facile parce que les règles sont plus claires ; dès que l'on est dans un entre-deux, cela va être compliqué ! Beaucoup sont accusées d'égocentrisme, alors qu’il s’agit davantage pour elles d'utiliser et de discuter de leur façon de voir le monde, de faire des analogies, pour essayer de dire à l'autre : « je comprends ce que tu dis parce que j'ai vécu la même chose ».

 

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AFICV : qu’est-ce que recouvrent les déficits des comportements non verbaux ?

 

Chloé : Par exemple, l’utilisation du regard qui ne va pas être forcément tout le temps présent, qui va être fixe ou assez fuyant et alternant suivant les situations ; ou des personnes qui vont être capables de vous regarder à certains moments, mais en calculant à peu près le temps pendant lequel il faut qu'elles vous regardent ; ce sont, dans ce cas,  des pensées conscientes permanentes, qui occupent donc pas mal l’esprit et la « bande passante » disponible pour le reste.

Ou des expressions faciales qui vont être atténuées, qui seront parfois en décalage avec ce qui est attendu socialement ; notamment les rires nerveux, des sourires alors que ça ne va pas, parce que ce sont des sourires de gêne. Beaucoup de choses associées à de la joie sont associées à de la gêne chez les personnes avec un TSA.

Ou encore, une voix monocorde qui va manquer de prosodie, la mélodie de la voix et les intonations !

Ce sont des spécificités importantes à percevoir, parce que cela permet de se rendre compte qu'il y a des modulations quand même chez les patients, même si elles sont moindres, et donc cela ne signifie pas qu'ils ne sont pas intéressés ou qu’ils ne comprennent pas ce que l'on raconte.

 

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AFICV : dans le DSM-5 il y a aussi les déficits du développement, du maintien et de la compréhension des relations, comment cela peut-il se manifester ?

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Chloé: Les personnes vont avoir du mal à rentrer en contact avec les autres, ce qui ne veut pas dire qu'elles n’y arrivent pas du tout ;  mais souvent, elles vont y arriver avec un binôme c’est-à-dire plus facilement avec une personne seule qu'avec un groupe. Donc ces personnes peuvent quand même avoir des relations sociales au cours de leur vie.

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AFICV : Le second point de la dyade autistique concerne le caractère restreint et répétitif des comportements, des intérêts ou des activités. Pouvez-vous nous donner des exemples ?

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Chloé :  il y a d’abord le caractère stéréotypé ou répétitif des mouvements, de l’utilisation des objets ou du langage

Le caractère répétitif peut se retrouver aussi bien dans les comportements verbaux que non verbaux. Au niveau verbal, il y a ce qu'on nomme l'écholalie : le fait de répéter de façon immédiate ou différée, ce que j'ai entendu, parfois exactement de la même manière, avec la même intonation. Il peut y avoir en boucle dans la tête certaines phrases, ce qui, là encore «occupe la bande passante » et permet difficilement de faire autre chose.

Au niveau des comportements, le plus visible est sûrement l'adhésion inflexible à des routines (rituel du lever toujours dans le même ordre, toujours le même itinéraire pour aller d'un point A à un point B même si un autre est disponible, etc.).

Il existe également une intolérance au changement qui peut se manifester autant pour partir en vacances, que pour un imprévu dans l’agenda ou le changement d'heure, ......comme pour notre rencontre d'aujourd'hui* ou l'on n’arrive pas à joindre l'une des personnes prévues dans la réunion…..pouf! C'est un imprévu qui mobilise mon cerveau et occupe de nouveau de la bande passante….

(NDLR : *exemple en référence au début de l’interview ou l’une des personnes participantes n’était pas connectée et pas joignable pendant quelques minutes) 

 

Enfin cela se manifeste au travers d’Intérêts extrêmement restreints et fixes, anormaux soit dans leur intensité, soit dans leur but ; je préfère parler « d'intérêts spécifiques » ce qui semble plus adapté, plus respectueux pour les personnes qui s'y retrouvent mieux.

C’est important, pour créer une alliance, de développer un intérêt par rapport à l’intérêt spécifique du patient ; si le thérapeute dit « cela ne m’intéresse pas » ou qu’il coupe celui-ci en disant « on n‘est pas là pour ça ! »  il ne va pas forcément se sentir compris.

Généralement, pour beaucoup de personnes avec un TSA, toute la compréhension du monde va être ramenée à leur intérêt spécifique, qui peut être la politique comme les pingouins !

Ça va être. « Ah Ben oui mais c'est vrai, les pingouins, ils font ça, donc oui, ça me rappelle….. donc je vais faire des liens, donc je peux comprendre ce qui est en train d'être dit»

Cela ne veut pas dire que l'on change de sujet, cela veut dire que la personne tente d'expliquer en se rapportant à des faits connus d’elle et vient vérifier avec vous que c'est bien le cas ! Donc c'est ultra important pour l'alliance de pouvoir s'y intéresser.

 

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AFICV : Est-ce que cela signifie que le thérapeute doit questionner la personne sur les pingouins, ou l’intérêt spécifique que le patient amène comme référence pour créer l'alliance ?

 

Chloé :  Oui ! Sachant que pour les patients en libéral, donc plutôt des personnes sans déficience, les intérêts spécifiques peuvent passer pour quelque chose de tout à fait normal, notamment s'ils sont en lien avec leur travail. Par exemple, ma patiente de ce matin ; c'est la politique ! Tout est ramené à la politique ! Il faut la laisser en parler un peu sinon on n’y arrive pas !

Il faut trouver un juste milieu, mais c’est vraiment comprendre ce qui les fait vibrer, c’est ça un intérêt spécifique !  il est très important, même s’il peut être ultra enfermant à certains moments ! Mais il est surtout ressource !

Donc si on peut faire des analogies avec leur(s) intérêt(s) spécifique(s) pour les aider à comprendre là où on veut les amener en thérapie, cela fonctionne nettement mieux !

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AFICV : Peut-on dire qu’il s’agit d’une sorte de « mètre-étalon » ou d’un «filtre de lecture » dans le sens où c’est ce à quoi la personne fait référence (son intérêt spécifique) pour décoder les situations ordinaires ?

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Cécile : Oui mais pas toujours, parce que certaines personnes peuvent être socialement plus adaptées, c’est à dire qu’elles savent se restreindre sur leur passion des pingouins. Mais à un moment, ça va quand même nous aider de discuter pingouin ! Si vous ne discutez pas pingouin, vous risquez de rater un truc!

Chloé :  Je prends l'exemple des pingouins en référence à une série, assez stéréotypée,  sur Netflix qui s’appelle « Atypique » dans laquelle l’intérêt spécifique du personnage est les pingouins.

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AFICV :  Est-ce  vous, thérapeutes, qui les amenez  à évoquer, à mettre l’accent sur l’intérêt spécifique, parce que vous savez que cela peut être une ressource, ou est-ce que vous travaillez ça, avec eux, c'est à dire les amener à considérer leur intérêt spécifique comme une ressource dans la relation ?

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Chloé :  Je pense que les 2 sont possibles, c'est à dire que s’ils viennent en ayant un diagnostic, c'est facile, on sait qu'on peut le faire! Par contre, si on a un doute et que dans la relation il y a des choses qui nous questionnent, on peut essayer, même si le but thérapeutique à ce moment-là n'est pas un diagnostic,  de demander : « est-ce que vous avez des intérêts spécifiques qui sont vraiment très forts ?» - « Quels sont vos intérêts ? » - « Qu'est-ce qui vous fait du bien ? »

Si la personne répond par exemple « c'est la lecture ! » vous pouvez partir de ça pour la questionner :

« Par rapport à ce que l'on est en train de se dire et que je sens que vous avez du mal à comprendre, est-ce qu’il y a des choses dans tel ou tel livre qui pourraient vous y faire penser ? »

On apprend plus à connaitre les patients en questionnant leurs intérêts spécifiques que leur quotidien qui peut être très restreint. Leur univers imaginaire est souvent très riche.

 

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AFICV : Peut-on aller jusqu'à proposer à la personne de développer son/ses intérêt(s) spécifique(s)  vraiment comme une ressource, mais consciemment ? En disant « est ce que vous avez remarqué que ç’est aidant pour vous  de faire référence à des lectures pour comprendre des situations de vie quotidienne, par exemple ? »

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Chloé : Oui, par contre, cela demande un vrai intérêt du thérapeute et un vrai investissement sur l'intérêt spécifique. Parfois, cela ne va pas suffire de juste écouter la personne nous en parler. Il va falloir aller chercher sur YouTube, Wikipédia, lire le bouquin en question !

Cécile : lire les 12 tomes du manga…….(NDLR : .Cécile l’a fait !)

Chloé : Parce qu'il nous faut un support. Les patients ne vont pas forcément être capables de faire le lien tout de suite, la bonne analogie entre ce qu'ils connaissent, ce qui les aide à comprendre le monde et ce que nous, on a dit ! Donc il faut que l’on connaisse à minima le sujet pour réussir à faire ce lien là ! Et ne pas hésiter à leur dire : "partagez moi des vidéos ou plein d’autres choses !". Je les regarde pendant  les pauses déjeuner en me disant, ça va peut-être m'aider à comprendre par quel biais on peut attraper le sujet ! C'est un réel investissement de la part du thérapeute, qui ne sera pas nécessaire avec un patient sans troubles du neurodéveloppement, du moins pas de façon aussi exigeante.

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